Plan Ayrault : les enfants de harkis sont-ils tous condamnés à devenir des chauffeurs poids lourd ?

19/09/2013 23:49

Depuis maintenant plusieurs années, les différents gouvernements qui se sont succédés ont toujours revendiqué être à l'origine de la mise en place d'un grand et vaste Plan emploi en faveur des enfants de harkis. Au cours du précédent quinquennat, la dernière grande initiatitive en la matière fut le plan BACHY mis en oeuvre dans le cadre de la circulaire interministérielle du 30 juin 2010 publiée au Journal officiel du 2 juillet 2010.

Le 17 septembre dernier, le Premier ministre Jean-Marc AYRAULT a signé un décret publié au Journal officiel du 19 septembre 2013 permettant de reconduire uniquement et seulement une partie des mesures du précédent Plan emploi.

La principale mesure expressement contenue dans ce décret vise à promouvoir auprès des enfants de harkis des formations permettant de déboucher sur l'obtention du permis poids louds, notamment le super lourd. A bien lire le texte, on serait tenté de penser que pour le Gouvernement, les enfants de harkis en quête d'emploi n'auraient vocation qu'à venir uniquement des chauffeurs poids lourd.

Comme la circulaire BACHY de 2010, le texte du décret évoque vaguement la possibilité pour le Gouvernement de prendre partiellement en charge financièrement des formations dans des domaines autres que le permis poids lourd.

Toujours est il qu'il n'aura échappé à personne que ces mesurettes n'ont pas été actées, comme en 2010, par la voie d'une circulaire mais par la voie d'un décret. Pourquoi un décret aujourd'hui et pas une circulaire comme avant ?

Tout simplement parce que le Conseil d'Etat, par un arrêt Comité Harkis et Vérité du 19 avril 2012, a jugé que les actions gouvernementales à destination des enfants de harkis devaient être, conformément à la Constitution, engagées juridiquement dans le cadre d'un décret et non dans le cadre d'une simple circulaire. Dans le cadre d'une circulaire, du blabla administratif sans portée juridique peut être illégalement présenté aux citoyens comme ouvrant des droits. C'est pourquoi, afin de protéger les enfants de harkis contre ce genre de dérives dont ils ont été trop souvent les victimes par le passé, le Conseil d'Etat impose dorénavant au Gouvernement de mettre en place ses éventuelles actions à destination des enfants de harkis dans le cadre de décrets.

D'où le décret n° 2013-834 du 17 septembre 2013 instituant des mesures en faveur des membres des formations supplétives et assimilées ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles ; un texte élaboré, comme à l'accoutumée, dans le secret du cabinet du ministre délégué aux anciens combattants et sans concertation avec les principaux intressés, à savoir les enfants de harkis. Faut-il s'en inquièter ?

Que tout le monde se rassure, le 25 septembre prochain, le décret du 17 septembre 2013 sera présenté par le Gouvernement comme un grand texte qui va révolutionner la vie des enfants de harkis en quête d'emploi. Seize mois pour préparer un décret de quelques lignes. A l'évidence, l'emploi des enfants de harkis était une priorité du Gouvernement depuis le 6 mai 2012. C'était tellement une priorité qu'aujourd'hui, un enfant de harki est contraint aujourd'hui d'entamer une grève de la faim à Agen dans le Lot-et-Garonne pour dénoncer seize mois d'inertie gouvernementale vis à vis de la communauté harkie et exiger le respect des engagements du 5 avril 2012.

La reconnaissance de la responsabilité des gouvernants français de 1962 dans l'abandon, le massacre des harkis et les conditions d'accueil des familles de harkis dans les camps en France est malheureusement absente de ce décret du 17 septembre 2013.